“Step in two canoes” ou l’art de ne pas oublier d’où l’on vient.

Des camps pour permettre aux jeunes autochtones de renouer avec leurs traditions.

Comme chaque printemps depuis 2013, Kim va retrouver plusieurs communautés autochtones du nord-ouest canadien afin de participer à des camps qui ont entre autres noms “land-based learning camp”. Ces immersions avec des écoliers de 13 à 18 ans de une à deux semaines dans les bois, ont pour but de faire l’école autrement.

Au Canada, les Premières Nations sont astreintes à l’obligation de scolariser leurs enfants -ce qui n’est pas le cas de la Colombie par exemple- or le programme scolaire canadien n’a pas encore réellement intégré la vision amérindienne de la transmission et de l’éducation qui passe essentiellement par le principe d’immersion dans la nature. Ces camps sont la tentative -mais ce n’est qu’un premier pas- de permettre aux enfants de ces communautés de pouvoir retrouver un peu de l’enseignement traditionnel au travers d’activités liées à leur culture et à la nature sauvage, berceau des peuples racines.

Ces camps sont la tentative -mais ce n’est qu’un premier pas- de permettre aux enfants de ces communautés de pouvoir retrouver un peu de l’enseignement traditionnel.

En effet, depuis une dizaine d’années, c’est tout un mouvement qui s’est créé afin d’interroger ce que veut dire être amérindien aujourd’hui au Canada. Ce mouvement est familièrement nommé “walk in two worlds”, littéralement “marcher dans deux mondes”, parce que c’est ce qui est demandé au jeunes autochtones aujourd’hui qui doivent à la fois trouver leur place dans notre société en plus de devoir s’interroger sur leur origines et comment les faire vivre. C’est aussi un clin d’œil qui nous est adressé. Leur façon de nous dire que s’ils font un pas vers nous, il serait avisé pour nous de faire un pas vers eux. Dans les deux cas, c’est une entreprise précaire, qui demande une grande attention de la part de celles et ceux qui tente de créer les outils de demain pour que ce rendez-vous des cultures ait bien lieu. Et c’est d’ailleurs ce constat qui fait préférer aux ainés de Old Crow l’expression “Step in two canoes” (mettre les pied dans deux canoës)  pour qualifier cet exercice; ce qui rend bien mieux compte du caractère périlleux de la chose!

Au programme de ces camps, il y a bien sur, le quotidien d’un campement au milieu des bois. Cela nécessite de monter et d’entretenir les tentes traditionnelles, couper du bois, récupérer de l’eau, faire à manger etc. Mais il y a aussi des gestes anciennement liés au quotidien qui aujourd’hui le sont moins tel que poser des pièges à animaux, des nasses à poissons et chasser. En outre, tout un tas de techniques et artisanats sont revus, tel que l’obtention du feu par friction, sans allumette, ou encore la confection de cordes et de vannerie ancestrales, du tannage et du travail de l’os et des bois de cervidé afin de confectionner des objets traditionnels tels que des aiguilles, ou des grattoirs à peau.

Ce savoir, c’est celui de l’homéostasie culturelle -ou comment l’homme s’adapte plutôt qu’il n’adapte son environnement, ménage plutôt qu’il n’aménage son territoire.

Ce travail artisanal permet évidemment de reconnecter ces jeunes avec le quotidien traditionnel de leur société et par là même, de reconnecter avec les anciens de leur communauté. Par le geste, ils revisitent aussi leur langue, qui prend alors tout son sens, bien moins évident lorsqu’elle est transmisse entre quatre murs. Les rituels peuvent ainsi être à nouveau appliqués au quotidien et la parole des Anciens reprends de sa vigueur!

Mais peut-être, encore plus important que tout cela, est le dialogue que ces activités permettent naturellement de restaurer. Le dialogue premier et primordial avec la nature qui nous entoure et qui fait de ces sociétés les sentinelles d’un savoir millénaire que nous avons malheureusement perdu; celui de l’homéostasie culturelle -ou comment l’homme s’adapte plutôt qu’il n’adapte son environnement, ménage plutôt qu’il n’aménage son territoire.

Ainsi, ces camps sont l’invitation pour ces jeunes -qu’ils soient indigènes ou non- à voir le monde autrement, selon d’autres grilles de lecture, plus naturelles, afin que persiste tant bien que mal, une véritable alternative à la vision occidentale dominante qui pour l’heure ne perçois pas le danger de l’uniformisation culturel qu’elle génère.

Ainsi, les équilibres sont respectés, et le pacte de l’Homme Naturé renouvelé…

 

Pour en savoir plus:

http://www.newsoptimist.ca/news/local-news/land-based-learning-brings-native-and-non-native-cultures-together-1.1986717