Je vous propose un petit texte où un citadin (personnage fictif qui parle à la première personne) nous parle de sa perception de la nature. Prenons le comme une invitation à regarder ce qui en nous répond de sa logique.
“Que j’habite en ville ou à la campagne ne change rien. Il y a bien sûr une différence entre un jeune couple urbain qui va se balader le dimanche après midi dans la galerie marchande du centre commercial et mon voisin, retraité de la classe moyenne, qui a travaillé dur toute sa vie pour faire construire une maison moderne dans notre petit lotissement, et affirme qu’il est heureux à la campagne et que pour rien au monde il ne retournerait vivre en ville. Mais c’est une différence de forme : le fond est commun.
J’adore la nature, je m’y sens bien. J’aime faire mon footing dans le parc pas très loin de chez nous, me balader sur les sentiers balisés par le onservatoire. C’est un bon lieu pour amener les enfants : ces endroits sont entretenus, propres, sécurisés et il y a toujours plein de panneaux bons à prendre en photos pour nous permettre de mieux comprendre la nature. J’aime aussi beaucoup la montagne et nous économisons dur pour aller au ski une année sur deux. J’ai une affection toute particulière pour les arbres, surtout les chênes. C’est pour ça que j’arrache systématiquement tous les ajoncs et les genêts qui poussent près d’eux, pour qu’ils ne les gênent pas. Mais on ne peut pas laisser des arbres se développer n’importe où : avec ma femme on s’est battu pour qu’ils coupent les trois platanes au milieu de la cour d’école des enfants, nous craignions qu’un jour une branche ne leur tombe dessus. C’est que ça souffle fort chez nous, maudit soit ce vent. Ma femme, justement, c’est la reine des Pensées : elle en cultive toutes sortes sur le balcon, de toutes les couleurs et toutes plus grosses les unes que les autres. Elle est comme moi ma femme, elle aime beaucoup les fleurs et la nature. Et puis elle n’a pas sa pareille pour arracher les mauvaises herbes du jardin. Ce travail est pénible et fatiguant mais on n’est pas du genre à mettre du Roundup qui pollue l’environnement. J’estime important de tenir mon petit bout de gazon toujours propre. Je suis agacé de voir que dans notre lotissement il y a encore une famille qui n’est même pas capable d’entretenir son chez soi : les mauvaises herbes ont tout envahi, les haies ne sont pas taillées et ils gardent un tas de merde au fond du jardin pour entasser le peu qu’ils coupent autour de la maison, au lieu de les porter à la déchetterie. Ils n’ont pas l’air de comprendre que si on ne contrôle pas, on se laisse complètement envahir. Regardez ces ronces, elles recouvriraient tout en moins de deux. Ils me répondent que les ronces c’est le paradis de plein d’animaux. Moi je veux bien mais en attendant, c’est nous qui ne pouvons pas profiter de l’endroit ! Et je n’ai rien contre les animaux. D’ailleurs je suis fasciné par les Gorilles. Chaque fois que je les vois à la télé je trouve que ces bêtes ont vraiment l’air intelligentes et je trouve triste qu’on ne les laisse pas vivre en paix. C’est le problème dans les pays sous-développés, ils n’ont aucune conscience écologique et ne savent pas respecter la nature. Par contre je ne suis pas capable de faire le lien entre la nouvelle table de salon en bois exotique achetée ce weekend et la destruction du milieu de vie des primates. Et que puis-je y faire ? Ce n’est pas ma faute. De toute façon, aujourd’hui c’est à la mode de dire qu’on est « écolo », qu’on aime la nature, qu’il faut faire attention à l’environnement. Alors je joue le jeu, mais au fond de moi, vous voulez que je vous dise, la nature, je la déteste de tout mon cœur, parce que je ne la comprends pas et qu’elle me fait peur. Mais ça je ne suis pas prêt de l’admettre parce que j’ai l’arrogance de ceux qui croient savoir et imposent la modernité aux autres et parce que depuis trop longtemps je suis programmé pour refouler mes émotions.”
Ce texte s’inscrit dans une réflexion plus large sur la relation entre l’homme et la nature, abordée lors de la formation dispensée par le Collège Pratique d’Ethnobotanique. En savoir plus.